6 rudiments de l’alimentation instinctive

Manger avec son instinct plutôt qu’avec sa tête serait la clé d’une bonne santé et d’un comportement alimentaire serein. L’ère des régimes restrictifs toucherait-elle enfin à sa fin pour laisser place au plaisir et à la spontanéité ?

La solution de la bonne alimentation se cacherait-elle dans notre intuition ? D’après la diététicienne-nutritionniste Ariane Grumbach, le plaisir et l’intuition seraient la clé d’un poids stable et d’une meilleure écoute de ses besoins, menant ainsi à terme à une hygiène de vie optimale et un rapport apaisé à la nourriture.

Une vision partagée par de nombreux spécialistes, dont les précurseurs sont le docteur Jean-Philippe Zermati, auteur du livre « Maigrir sans régimes » et le psychothérapeute Gérard Apfeldorfer, Président du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids. Ensemble, ils ont introduit auprès du grand public une approche novatrice du rapport à l’alimentation, prônant un retour à l’écoute de son corps, de ses besoins vitaux et ce principalement à travers une attitude bienveillante envers soi. Dans cette optique, quelles sont donc les 6 règles fondamentales à appliquer pour revenir à une alimentation intuitive et se reconnecter avec son instinct ?

1. Reconnaître les signaux de faim et de satiété
Pouvoir manger aux premiers signaux physiques de faim et s’arrêter aux premiers indicateurs de satiété devrait être un acte parfaitement naturel et instinctif, tel qu’il l’est dans la nature pour les animaux sauvages voire dans notre société avec les bébés et enfants en bas âge. C’est simple : ils n’anticipent pas leurs repas et répondent spontanément aux besoins qui se présentent, signifiés clairement par leur corps, sans se préoccuper ni de calories ni de carences.

Comme le rappelle le G.R.O.S., « le système de faim et de satiété est fonction du noyau arqué hypothalamique : différents neuromédiateurs indiquent une baisse du taux de glucose, envoyant des signaux de faim tandis que le rassasiement global provient des signaux neurohormonaux du tube digestif transmis au cerveau. » Malheureusement, des années de restriction ainsi qu’un contexte social incitant à la surconsommation nous poussent facilement à renier ces signaux primitifs, nous déconnectant ainsi complètement de nos sensations alimentaires.

2. Différencier les faims physiques, émotionnelles et conditionnées
Faim et envie de manger se ressemblent et pourtant, elles diffèrent par leur origine : si l’une est une conséquence physique d’un besoin vital de fournir du carburant au corps, l’autre répond à un motif psychologique dont les causes peuvent être nombreuses. Stress, ennui et tristesse sont généralement les premiers ressentis qui viennent à l’esprit lorsqu’on parle de faim émotionnelle.

Manger devient alors un moyen d’anesthésier ses émotions ou de combler un vide à travers un plaisir accessible et immédiat mais pourtant lourd de conséquences : troubles du comportement alimentaires, dénutrition ou à l’inverse surpoids pouvant mener à l’obésité, mal-être général… Si la nourriture procure un plaisir instantané, elle ne résout pas pour autant les problèmes sous-jacents et peut contribuer à aggraver le sentiment de mal-être.

3. Écouter et traduire les signes que le corps envoie
« L’idée n’est pas de lutter contre les émotions, qui font partie de nous, mais d’apprendre à les accepter sans qu’elles déclenchent des envies de manger », souligne le docteur Apfeldorfer. La gestion des émotions peut passer par des thérapies cognitives ou des exercices de pleine conscience. Un nutritioniste pourra vous demander par exemple d’observer son comportement alimentaire sur plusieurs semaines.

Afin d’avoir une vision plus claire des facteurs qui influencent notre comportement alimentaire et génèrent en nous des envies de manger. Il n’est pas grave de commettre des erreurs ou de ne pas toujours savoir répondre correctement à ses envies en phase d’observation. Le but est bel et bien d’apprendre à se connaître et à trouver de nouvelles façons de répondre aux émotions sans passer par la nourriture.

4. Respecter ces signes pour manger ce que dicte le corps
S’écouter, c’est aussi s’affranchir des codes pour répondre à ses propres besoins. C’est pouvoir reporter ou sauter un repas jusqu’à ce que les premiers signaux de faim se manifestent et ce en dépit de l’heure et des repas « sociaux ». C’est s’autoriser à manger entre deux repas, une notion trop souvent et à tort catégorisée comme du grignotage, ce qu’elle n’est pas quand elle répond à une faim physiologique réelle. C’est encore savoir laisser une petite portion de son assiette, loin des « il ne faut pas gaspiller » répétés durant notre enfance ou à l’inverse finir celle-ci lorsqu’on n’est pas encore pleinement rassasié, sans se préoccuper des calories et de la peur de l’excès.

Le corps nous parle, l’écouter est une chose mais y répondre correctement et avec assurance en est une autre. Se libérer du regard des autres et de ses propres craintes peut prendre du temps mais c’est un cheminement indispensable pour arriver à une réelle confiance en ses sensations alimentaires.

5. N’avoir aucun interdit ni jugement face aux aliments
Dans son livre « Maigrir sans régime », le docteur Zermati rappelle combien les préceptes et croyances nutritionnelles populaires influencent notre alimentation « Tous les mangeurs restreints sont convaincus, s’ils veulent maigrir, qu’il serait préférable de favoriser la consommation de certains aliments et d’éviter celle de certains autres. Ils sont souvent victimes de l’inévitable discours anti-gras, anti-sucre. Mais, plus souvent, ils constatent eux-mêmes les difficultés qu’ils ont à se comporter normalement avec ce type d’aliments. »

Manger devient alors une lutte permanente pour résister à ses envies, transformant celles-ci en compulsions hors de tout contrôle. Dédiaboliser ces aliments tabous permettra alors de retrouver un rapport sain avec ceux-ci. Sans interdit, plus rien ne devient irrésistible. La seule règle ? Les consommer en respectant sa faim et sa satiété.

6. Manger avec plaisir ce dont notre corps a exactement besoin
Notre corps est programmé pour réclamer ce dont il a besoin. Il est fréquent, en début de thérapie ou de reconnection avec ses sensations alimentaires, de ressentir une envie frénétique d’aliments gras et sucrés. Cette envie est la conséquence directe de semaines, mois voire années de privation. Heureusement, elle est éphémère et ne vise qu’à stopper le cercle vicieux de la restriction-compulsion pour redonner aux aliments leur simple place de carburant source de plaisir.

Lorsque nos aliments préférés ne sont plus un « écart » et peuvent être consommés sans contrainte, sans jugement, ils ne sont plus source d’angoisse. La peur du manque disparaît avec l’abolition des interdits et avec elle, les envies compulsives s’atténuent pour revenir vers un comportement alimentaire serein. Vous ne vous pensez peut-être pas capable d’un jour être écoeuré de la junk food mais vous pourriez être surpris de ce que votre corps réclame une fois que vous vous permettez de manger librement. Le besoin de variété est également instinctif et refera toujours surface si manger reste un acte de bien-être et de plaisir.

Par Sophie Vande Kerkhove

Notre spécialiste :
Ariane Grumbach, Diététicienne-nutritionniste, auteure de « La gourmandise ne fait pas grossir! Une diététicienne dit non aux diktats alimentaires », Carnet Nord, 2016, arianegrumbach.com

Nos sources :
« Maigrir sans régime », Jean-Philippe Zermati, Edition Odile Jacob, 2011
« La régulation de la prise alimentaire », 2015, « Manger pour masquer ses difficultés psychologiques et relationnelles », 2015 et « Comportement alimentaire : la nouvelle approche des nutritionnistes », 2011
Gros.org

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