Intelligence émotionnelle : l’art de dompter ses émotions

Émotion. Un mot simple pour définir un phénomène complexe qui régente la vie de tous les êtres humains. Dompter ses émotions oui, mais lesquelles ? A cette question il paraît pertinent de répondre que ce sont les émotions toxiques qui méritent d’être mieux canalisées.

Dompter ses émotions pour éviter qu’elles ne gouvernent notre vie

Remémorez-vous cette expérience traumatisante où vous deviez présenter votre travail devant une vingtaine de personnes. Un intense stress est venu phagocyter votre capacité à parler en public. Dramatique n’est ce pas ? Et ce n’est là qu’un infime échantillon des situations qui impactent de manière négative notre vie parce que nous avons permis, bien malgré nous et par manque de contrôle, à nos états émotionnels de dicter notre conduite. Car s’il est un point essentiel dont il faut prendre conscience, c’est le rôle de conditionnement de l’émotion. C’est là d’ailleurs sa fonction première : conditionner les choix, actions, réactions, attitudes, comportements que nous allons adopter face à une situation donnée. L’émotion est avant tout un outil adaptatif. Un outil efficace.

« Nos passions, quand elles sont convenablement canalisées, possèdent leur sagesse propre : elles guident notre pensée, le choix de nos valeurs, assurent notre survie. » comme l’explique Daniel Goleman, auteur du livre « L’intelligence émotionnelle ».

Les problèmes surviennent lorsque l’outil se dérégule, c’est-à-dire lorsque les états émotionnels s’avèrent trop intenses ou bien qu’ils persistent trop longtemps. Sont corrosifs les états émotionnels qui entravent, perturbent et handicapent la vie quotidienne. C’est le cas, par exemple, des états de stress chronique, des pics de colère, des passages anxieux, des peurs paniques ou bien encore des crises d’angoisse. Ces phénomènes émotionnels siphonnent notre énergie et nous vident, petit à petit, de toute capacité à agir dans notre intérêt. Si l’on n’y prend garde, ces derniers peuvent finir par nous consumer de l’intérieur comme c’est le cas lorsque l’on est en proie à un burn-out.

L’émotion, une énergie qui se loge dans la tête… et dans le corps

Que sont les émotions au juste ? En réalité, une émotion s’apparente à de l’énergie en mouvement (Energy in motion). Une énergie psychique puisqu’elle se manifeste notamment dans une partie de notre cerveau que l’on nomme système limbique. Mais également un phénomène éminemment physique puisque si l’on ôte sa corporalité à l’émotion, celle-ci en viendrait presque à disparaître. Un état de colère sans accélération du rythme cardiaque, tension musculaire, souffle haletant et diffusion d’adrénaline et de cortisol (deux neuromediateurs) dans le sang est-il encore un état de colère ? Un état de stress sans mains moites, palpitation, sensation d’oppression thoracique et gorge sèche est-il encore un état de stress ? La compréhension de cette mécanique corporelle nous offre la plus prometteuse des pistes en ce qui concerne l’art de dompter ses émotions. En effet, si celles-ci se matérialisent dans le corps, il apparaît logique que nous puissions apprendre à les réguler grâce à des techniques qui font la part belle aux exercices corporels.

Voici donc trois leviers qui permettent de reprendre le contrôle sur ses émotions afin de dompter les plus corrosives et de s’affranchir de leur diktat néfaste.

1. Les techniques qui utilisent la respiration
La respiration est une fonction vitale qui présente la particularité de pouvoir agir directement sur le système sympathique / parasympathique. L’activation du système nerveux sympathique prépare l’organisme à l’action, tandis que le système nerveux parasympathique induit un ralentissement général des fonctions de l’organisme ainsi qu’un état de relaxation. Reprendre le contrôle de sa respiration est donc le premier levier qu’il convient d’actionner lorsqu’un coup d’état émotionnel menace votre équilibre et votre capacité à choisir de manière réfléchie quelle issue donner à une situation. Afin d’acquérir un socle de compétences en matière de techniques respiratoires, il sera pertinent de s’orienter vers la Sophrologie, le Yoga, Le Tai-Chi, la méditation de pleine conscience ainsi que le Qi-gong, pour ne citer que quelques exemples.

2. Les techniques qui visent la relaxation corporelle
La détente du corps induit la détente de l’esprit. En effet, il est difficile pour un être humain d’abriter concomitamment une grande agitation mentale et une profonde sérénité corporelle. C’est la raison pour laquelle on retrouve ce levier de régulation émotionnelle dans de nombreuses techniques dont certaines sont plusieurs fois millénaires. Par relaxation il faut entendre un état global de relâchement musculaire, articulaire, viscéral et organique. Le corps, dans son intégralité, doit être empreint de calme, de décontraction et de lâcher prise. Cet état propice va envoyer un signal puissant au cerveau, plus précisément au système limbique, lequel va alors considérer en retour que la situation vécue ne mérite finalement pas que l’on y alloue tant d’intensité émotionnelle. C’est donc, ici encore, le rééquilibrage de l’état physique qui va induire un apaisement de l’état émotionnel. Les techniques de relaxation dynamique mises au point dans les années 60 par le neuropsychiatre Alfonso Caycedo et usuellement intégrées aux protocoles Sophrologiques constituent un moyen simple, efficace et accessible de se familiariser avec la détente corporelle.

3. Les techniques qui capitalisent sur l’imaginaire
Il a été démontré, grâce notamment aux récents progrès obtenus dans le domaine de l’imagerie médicale, que notre cerveau ne fait quasiment aucune différence entre la réalité que nous vivons et celle que nous imaginons, à condition bien entendu que le travail d’imagination soit suffisamment intense. C’est la raison pour laquelle nombre d’entre nous sommes capables de manifester, de manière très physique, les symptômes corporels de la peur et de l’angoisse lorsque nous nous exposons à un film d’horreur. Les frissons ressentis, le souffle coupé, le cœur battant à tout rompre sont autant d’indices tangibles qui prouvent que le corps se met au diapason de notre imaginaire. Ce phénomène est extrêmement intéressant car il signifie que celui qui contrôle son imagination peut, par effet de corrélation, influer sur les manifestations physiques et émotionnelles qui l’animent. Pour pouvoir bénéficier de ce levier de régulation efficace, il sera conseillé d’approfondir ses compétences en matière de visualisation positive et de propension à l’optimisme. De nombreuses disciplines, telles que la PNL (programmation neuro-liguistique), la Sophrologie, certaines méditations orientées ainsi que des exercices d’auto-hypnose proposent justement de moduler l’équilibre émotionnel en ayant recours à des techniques et outils basées sur le pouvoir de l’imaginaire.

Fertiliser son terreau émotionnel pour cultiver les émotions bénéfiques

Le fait de s’affranchir des états émotionnels corrosifs constitue un enjeu capital tant pour le bien-être des individus que pour des questions de santé publique. Mais nos efforts pour combattre ce mal-être latent doivent impérativement cohabiter avec la culture intensive d’états émotionnels bénéfiques à tous tels que la félicité, l’enthousiasme, l’espoir, le sentiment d’optimisme, la reconnaissance, l’altruisme ainsi que l’état de complétude pour ne citer, ici aussi, qu’un échantillon des dispositions humaines propices à l’épanouissement. C’est ce terreau émotionnel constructif et salutaire qu’il convient, parallèlement à l’entreprise générale d’apaisement, de fertiliser afin que puissent germer en chaque être humain les émotions créatrices de valeur ajoutée individuelle et sociétale.

Par Sean Luzi – Auteur du livre « Mobilisez vos ressources émotionnelles », Dunod, 2014

Sources :
– « L’intelligence émotionnelle »,Daniel Goleman, J’ai Lu, 2003

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