Le thermalisme a aujourd’hui toute sa place dans les stratégies thérapeutiques en santé mentale. C’est un recours contre les troubles anxieux, les états dépressifs, les douleurs chroniques, les sevrages ou encore le burn out. Les cures accompagnées de programmes psychoéducatifs apportent une réponse aux maladies de notre société moderne marquées par la chronicité.
Béatrice, assistante commerciale, vient depuis cinq ans en cure aux Thermes de Saujon, en Charente-Maritime, près de Royan. « L’eau m’apporte ce que les médicaments me donnent d’habitude, explique cette femme de 54 ans, victime en 2011 d’un burn out professionnel. Ces trois semaines à Saujon m’aident à réduire mon traitement pendant les six mois suivants et je vois, d’année en année, une évolution favorable, en particulier sur mes troubles du sommeil ». La cure, en même temps que les médicaments, la psychothérapie et la reprise du sport, figure en bonne place dans les moyens que se donne Béatrice pour sortir de « l’état de survie » dans lequel elle se sent encore.
Elle est l’une des dix mille personnes qui suivent chaque année une cure thermale de trois semaines pour des problèmes psychosomatiques. Une « goutte d’eau » parmi les 500 000 curistes annuels qui fréquentent les établissements thermaux, essentiellement pour soigner leurs rhumatismes. Seules cinq stations (*) disposent de cette orientation psy. Les 7e Journées psychiatriques de Saujon qui réunissaient les 29 et 30 septembre dernier, médecins psychiatres, généralistes, neurologues, gériatres et autres professionnels de santé, ont fait le point sur les recherches montrant l’intérêt du thermalisme en santé mentale.
Car à la question de savoir si cette médecine complémentaire relève du « soin de confort » ou si elle a sa place dans les stratégies thérapeutiques, les établissements thermaux répondent par des études cliniques rigoureuses qui s’attachent à démontrer son efficacité. Outre leur intérêt scientifique, celles-ci renseignent sur le service médical rendu (SMR) dont dépendent en bonne partie les prises en charge des traitements par la Sécurité sociale. L’Assurance Maladie rembourse 65 % d’une cure thermale prescrite par le médecin traitant, les frais de transport et d’hébergement restant à la charge du patient.
L’une de ces études, publiée au plan international en 2010, a particulièrement marqué les esprits : l’étude STOP TAG (1) portant sur 237 patients souffrant de troubles anxieux généralisés (TAG). Elle a montré non seulement l’action réelle de la cure sur l’anxiété pathologique, mais aussi sa supériorité sur le traitement médicamenteux de référence (deux mois de Paroxétine).
Une autre étude baptisée SPECTh (2) pour Sevrage de Psychotropes par Education psychothérapique en Cure thermale a également donné du poids au thermalisme en psychiatrie. Elle avait pour but d’aider des patients consommateurs chroniques de benzodiazépines depuis au moins trois mois, à arrêter leurs médicaments. L’usage de cette classe thérapeutique, indispensable quand elle est utilisée à bon escient, est trop répandu en France, surtout au vu des risques qu’elle fait courir à ses consommateurs. Une réduction des prescriptions est recommandée. La cure était associée à un programme en thérapie cognitive et comportementale (TCC) adapté à chacun des 70 patients recrutés. Six mois après, quatre malades sur dix avaient complètement arrêté les benzodiazépines, 78 % d’entre eux avaient réduit d’au moins la moitié l’ensemble des traitements qu’ils prenaient avant d’entrer dans le protocole, seuls 16 % étaient en échec thérapeutique. Les résultats montrent que l’état anxieux et dépressif chez les patients sevrés s’était significativement amélioré et que plus l’arrêt des médicaments était important, plus les troubles étaient améliorés.
« Je ne m’attendais pas à cela, j’ai été surpris par les résultats de ces deux études, reconnaît le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre, professeur de la Faculté Paris V et membre de l’Académie de médecine. En médecine, il faut être créatif et savoir proposer d’autres stratégies thérapeutiques ». Des études ont aussi été menées et se poursuivent sur la dépression réactionnelle à des événements de vie ou à un état d’épuisement, sur les troubles du sommeil, sur le burn out professionnel qui s’est chronicisé. La fibromyalgie et les douleurs chroniques, qui sont traitées également dans les établissements s’occupant des rhumatismes, sont l’objet d’enquête. Selon la Ligue européenne contre les rhumatismes (EULAR), les bains à eau tiède ou chaude produisent des résultats comparables aux meilleurs antalgiques utilisés dans ces pathologies.
« En médecine générale ou en psychiatrie, les praticiens voient beaucoup de personnes qui souffrent d’anxiété, de trouble du sommeil, de fatigue chronique, de troubles psychosomatiques ou qui présentent des plaintes complexes ne répondant que très imparfaitement aux thérapeutiques ou prises en charge traditionnelles, indique le Dr Olivier Dubois, psychiatre et président du directoire des Thermes de Saujon. C’est la raison pour laquelle des thérapeutiques naturelles prennent de l’importance et semble répondre de manière souvent mieux adaptée à ces pathologies dites de la société moderne ».
Comment expliquer ces bienfaits de la cure ? Il y a d’une part la dimension technique du soin et d’autre part la dimension psychologique et relationnelle dans un environnement holistique et rassurant. Côté technique, quatre soins sont administrés par jour : pendant trois minutes, une douche au jet à 37°c qui est tonifiante ou relaxante suivant la pression, un bain bouillonnant de vingt minutes, un massage de vingt minutes effectué par un kiné alors que le patient reçoit des filets d’eau sur le corps et un bain en piscine, avec possibilité de douches en immersion. La décontraction musculaire, des effets antispasmodiques et de vasodilatation ou encore l’activité antalgique sont connus. « Sur un plan physiopathologique, les effets sont plus complexes. Une hypothèse est la stimulation des opioïdes endogènes à la suite d’une stimulation cutanée. Une autre piste concerne l’axe cortico-surrénalien très impliqué dans le stress », précise le dr Olivier Dubois. Et puis l’eau renvoie au scénario de la vie intra-utérine et aux soins maternels…
Mais la cure est aussi un moment et un espace particulier, une modalité intermédiaire entre la médecine de ville et l’hôpital qui a son intérêt. Le patient change de lieu et de rythme de vie, il rompt avec un environnement parfois vécu de manière agressive et il est disponible. « La cure, c’est aussi des activités proposées l’après-midi : sophrologie, qi-gong, do-in, gymnastique douce, peinture… L’atelier peinture a été une révélation pour moi », explique Alexandra, 47 ans qui souffre d’une fibromyalgie, découverte à l’occasion d’un passage aux urgences pour d’insupportables douleurs à la jambe. L’une de ses voisines de chambre suit, en complément de sa cure, le stage « mieux vivre votre fibromyalgie » qui comprend des ateliers psychoéducatifs spécifiques et des séances de relaxations avec apprentissage de méthodes variées. Ce stage est proposé par l’Ecole thermale du stress, un dispositif innovant créé à Saujon. Celle-ci organise également des stages de cinq jours, non conventionnées, pour « apprivoiser votre stress » ou « prévenir le burn out professionnel ».
Par Sylvaine Frezel
(*) Bagnères-de-Bigorre (Hautes Pyrénées), Divonne-les-Bains (Ain), Néris-les-Bains (Allier), Saujon (Charente Maritime), Ussat-les-Bains (Ariège)
(1) étude STOP TAG – Olivier Dubois, Roger Salamon, Jean-Pierre Olié, et al. Complementary Therapies in Medicine, 2010
(2) étude SPECTh – Pierre de Maricourt, Jean-Pierre Olié, Olivier Dubois. Balneotherapy Together with a Psychoeducation Program for Benzodiazepine Withdrawal : A feasibility Study.
© loiez Deniel – Flickr