Et si la cuisine redevenait une simple expression de soi et de liberté ? C’est le retour aux sources que propose la cuisine créative, entre culture, innovations ludiques et introspection !
« Nous sommes ce que nous mangeons, mais nous sommes aussi ce que nous cuisinons », affirme Emmanuelle Turquet, formée à l’art-thérapie et initiatrice des ateliers de cuisine-thérapie. Si manger en dit effectivement beaucoup sur nous, l’art de cuisiner révèle également différentes parts de notre identité, qu’elles nous soient déjà limpides ou encore subconscientes. Cuisiner n’est pas seulement un acte ménager, c’est également un acte qui englobe une dimension sensorielle, sociale, familiale et culturelle.
Qui ne se souvient pas d’une précieuse recette de famille transmise de génération en génération ou de moments sacrés partagés en cuisine à mijoter des plats traditionnels ? Qui n’a jamais entendu parler de la fameuse tarte inimitable de grand-mère dont le secret est bien gardé ? La cuisine rassemble mais elle porte également en elle des origines, une histoire, des émotions, une culture et surtout, beaucoup de liberté.
C’est au détour d’un séjour en Nouvelle-Zélande, sans stress et surtout sans recettes, qu’Emmanuelle Turquet a finalement réalisé tout son pouvoir : « J’ai mesuré à quel point cuisiner offrait la possibilité de ralentir, d’être pleinement attentif à l’instant présent dans une démarche de « rien que » et, ce faisant, de mieux gérer son stress. J’ai compris que cuisiner m’aidait à me recentrer sur mes cinq sens et restait indissociable d’un plaisir sensoriel, presque sensuel. »
Une expression de soi et de liberté
Préparer un plat est souvent lié à une intention de faire plaisir mais peut dès lors s’accompagner de pression : la peur de rater, la peur de ne pas obtenir le résultat espéré, de gâcher en conséquence un moment convivial… Et si on redonnait à la cuisine son sens premier, à savoir mélanger des aliments au gré de notre intuition, goûter, expérimenter, créer tout simplement ? La cuisine devrait s’affranchir de tout jugement et de peur du regard des autres, pour redevenir la quête sensorielle et l’expression créative qu’elle est censée être avant tout. C’est un moment pour soi, un moment de reconnection avec son corps et un moment où toute créativité est permise, laissant place aux innovations les plus inattendues parfois. D’autres fois à des ratés certes, mais dont on se remettra aisément pour autant qu’on ait tiré du plaisir du processus.
Comme le souligne le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids dans sa publication sur l’apprentissage du plaisir alimentaire, « Il est par exemple montré que l’enfant acceptera plus volontiers de goûter un produit qu’il aura lui-même cueilli ou cuisiné, que tout plat prêt à consommer ». L’implication personnelle a donc une influence directe sur notre plaisir et notre témérité. Reprendre les fourneaux avec détachement de toute règle ou contrainte, c’est également se remettre dans cet état d’esprit juvénile empreint de curiosité, cette possibilité de se laisser surprendre encore par des aliments et des sensations.
Une remise en question de son éducation
Cuisiner implique souvent de répéter des enseignements qui nous ont été donnés, de même que des habitudes et de manière plus générale, une certaine éducation autour de l’alimentation. Ainsi, interroger sa façon de cuisiner et d’agencer les repas peut mettre en lumière des réflexes remontant à l’enfance et poser question de s’ils nous conviennent toujours. C’est là une occasion de porter attention à son rapport à la nourriture, ses réflexes conditionnés et d’éventuellement s’émanciper de certains comportements.
Une mise au défi et une constance improvisation
Par son aspect instantané, la cuisine créative invite également à savoir improviser, rebondir et être particulièrement réactif. Quelques restes dans un frigo peuvent se transformer en un véritable festin ou, à défaut, en une grande aventure gustative et ludique. « Par son côté éphémère, la cuisine invite aussi à accepter l’impermanence et à accueillir le changement et les difficultés. Il s’agit de faire avec ce qu’il y a et ce qu’il n’y a pas, de s’ajuster en temps réel. »
Pour aider à appréhender cette nouvelle approche, la « cuisine thérapie » propose dans des ateliers collectifs de se défaire de toute contrainte et d’explorer une part de son identité, à travers des exercices de lâcher-prise, des propositions ludiques et des improvisations à partir de quelques ingrédients. L’opportunité de se réconcilier avec son assiette mais aussi d’apprendre à composer et coopérer en groupe, et à redécouvrir l’art du partage avec un regard neuf et décomplexé.
Par Sophie Vande Kerkhove
Notre spécialiste :
Emmanuelle Turquet, formée à l’art-thérapie et auteure de « Cuisine thérapie : dis-moi comment tu cuisines et je te dirai qui tu es! », Editions Jouvence, 2016 et de « 70 expressions culinaires pour aller mieux », Editions Jouvence, 2017
Nos sources :
« L’apprentissage du plaisir alimentaire », 2011, gros.org
« Un zeste de conscience dans la cuisine », Isabelle Filliozat, Marabout Poche, 2014
« Vivre en pleine conscience: manger », Thich Nhat Hanh, Editions Belfond, 2016
« L’art-thérapie au quotidien », Sylvie Batlle, Editions Jouvence, 2007
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