Mon ado et moi : la limite entre le réel et le fantasme

Si dès la plus petite enfance, le nourrisson est le soleil de sa propre galaxie, porté par la satisfaction de ses désirs et besoins, il apprendra rapidement que sortir de cette forme de loi de la jungle, c’est grandir.

Hors grandir, c’est apprendre à lâcher la proie pour l’ombre, comprendre à l’épreuve de la réalité que nos actes ont des conséquences.

C’est apprendre que la satisfaction du plaisir immédiat ne peut être la seule boussole, que certaines choses valent plus que ça. Que oui c’est confortable que mes parents me fassent mes lacets, mais que c’est tellement plus satisfaisant de savoir le faire soi-même, même au prix de frustrations. Et ses frustrations commencent par exemple lorsque, petit, on m’a bien expliqué la technique pour faire mes lacets, mais que j’éprouve la frustration de l’incompétence de mes mains, la nécessité de l’effort et de la répétition de l’acte avant la satisfaction de la maîtrise autonome. C’est ainsi que Piaget et Dolto nous précisait que l’apprentissage des frustrations est nécessaire bien en amont de l’adolescence afin d’intégrer les valeurs et les interdits sociaux ;

Comment ? En apprenant à différencier ce que je ressens de la réalité, le possible de l’impossible sans y mêler ma propre puissance, ne pas me piéger à croire que tout désir non accompli serait une faille de mon propre pouvoir, pouvoir ainsi rêver de chevaucher une licorne sans souffrir du fait qu’elles n’existent pas.

Ce « faire tout seul » est l’une des frictions fondamentales entre fantasme et réalité. Ces prémices d’autonomie permettront la socialisation, l’empathie, et le vivre ensemble. Et c’est lors de l’adolescence que je vais expérimenter, jouer, tester que l’autorité peut être bienveillante et pas forcement une domination et que tout n’est pas possible à n’importe quel moment et de n’importe quelle façon. D’où l’importance du cadre, du contrat, de la répétition des règles de vie à la maison et surtout de l’exemple donné par les adultes. L’ado apprend du comportement, pas du discours, de la rencontre avec l’adulte détenteur d’une loi qui se doit d’être claire et non dépendante des circonstances.

L’adulte va dire « voilà ce qui est possible et ce qui ne l’est pas maintenant ». C’est pour cette raison qu’on reste souple sur 10 minutes de retard quand 3 heures de retard seront l’objet de conséquences. L’ado ne cherche pas le parent «cool» qui ne dit rien, il comprendrait «  ils s’en fichent de moi », mais il cherche a vérifier qu’on est là.

À nous parents de nous souvenir que le recours à l’acte et parfois la transgression permettent de vérifier la solidité du mur, d’introduire de l’autre dans un monde interne auto-centré, de soulager la toute puissance infantile devenue angoisse et d’intérioriser les limites.

Et courage !… ça va passer.

Florence Desbans , sociologue et psychothérapeute