Accueillir l’énergie intérieure

Pour Gianna Dupont, enseignante de yoga, le travail d’étirement, d’oxygénation, d’équilibre autour du petit bassin est fondamental.​

Dans une salle tout en longueur, abreuvée de lumière du jour grâce à de hautes fenêtres, une trentaine de tapis de yoga bleus et gris sont installés. Pour son dernier cours avant les vacances d’été, Gianna Dupont accueille chacun de ses élèves individuellement, les saluant par leur prénom. Beaucoup, comme la chorégraphe Myriam Gourfink, sont des danseurs qui puisent dans ces cours une force inouïe. « C’est fabuleux, confie Myriam, élève assidue depuis plus de vingt ans. Gianna a bouleversé mon rapport au corps. Elle a libéré mes hanches. Aujourd’hui, je ressens la fluidité des énergies qui me traversent. ».

Contractions, étirements, équilibres
Le yoga féminin enseigné par Gianna lors de séminaires, d’ateliers et parfois lors de ses cours hebdomadaires se base sur un travail autour du petit bassin : contractions, étirements, équilibres… « À la fois centre de gravité du corps humain et abri des organes génitaux féminins, le petit bassin, explique Gianna, se réoxygène considérablement pendant ces exercices grâce à une circulation sanguine augmentée. » Attentive, la professeure rectifie délicatement les positions de ses élèves, les aidant à sentir les différents points de pression dans leurs pieds ; donnant des instructions souvent très visuelles, comme lors de la mudra sexuelle, ou Sahajali-mudrâ en sanskrit : cet exercice qui reviendra tout au long de l’heure de cours consiste, sur une inspiration en trois temps, à contracter progressivement les lèvres du sexe, le vagin et le col de l’utérus, puis à les décontracter dans l’ordre inverse, sur l’expiration, un exercice qui permet d’apprendre à mieux sentir notre anatomie (une variante masculine est d’ailleurs proposée aux hommes). Gianna invite alors ses participants à s’imaginer soulever puis déposer une fine goutte de rosée… Les élèves, concentrés, laissent échapper de longs bâillements et des soupirs d’aise. Patricia, une élève, définit ce cours comme un « cocon » : « Je viens toutes les semaines régénérer mes cellules ! » Catherine, elle, parle d’une « source » où elle vient s’abreuver toutes les semaines. « La zone du bassin est rarement énoncée, explorée ; pourtant, c’est une évidence : elle fait partie de mon identité profonde en tant que femme. » Une troisième élève, Laure, fidèle depuis les années 1980, continue de pratiquer un yoga plus sportif en parallèle : « Il me faut les deux. Ce cours de yoga est bien plus que physique : on va très loin, on parle de cosmos, d’énergies lunaires et solaires… Cela touche au spirituel. »

Le Soleil et la Lune
« À travers ces micromouvements, j’enseigne une dissection sensorielle d’une lenteur extrême », résume Gianna, dont la jeunesse a été bouleversée par un grave accident d’équitation. Sphère génitale brisée, ménopause prématurée, elle ressent alors comme la perte d’une énergie vitale que le yoga ne suffit pas tout à fait à réanimer. C’est une femme, Réouma Cohen, qui l’aidera à retrouver ce souffle. Pour apprendre à ses patientes à mieux gérer leur cycle menstruel, cette gynécologue israélienne leur enseigne des mouvements de yoga. Gianna est alors déjà formée au yoga de l’énergie, un yoga né en France dans les années 1970 et qui insiste sur la perception d’une énergie intérieure. Avec Réouma Cohen, elle découvre la puissance du bassin et des organes génitaux. Elle s’inspirera des techniques de cette dernière pour créer un yoga au féminin. Une « science précise et subtile », souligne l’ancienne ingénieure en électronique. Le yoga de l’énergie – et, par extension, le yoga de l’énergie féminine – s’inspire du hatha yoga, le yoga le plus répandu dans le monde. En sanskrit, ha signifie Soleil et tha signifie Lune : il est question d’équilibre des énergies. Cela n’a donc rien à voir avec une sorte de célébration des cycles lunaires, ni même avec un éveil de la féminité en chacun de nous. Au contraire. En définitive, Gianna ne cherche qu’à rééquilibrer les énergies. Lune et Soleil, terre et ciel, yin et yang, féminin et masculin.

Propos recueillis par Clémentine Koenig

 

© iStock